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Comprendre

Et si on regardait la douleur autrement ? L’approche biopsychosociale de la douleur pelvienne

Le modèle biopsychosocial, conceptualisé par George Engel en 1977, propose une approche holistique de la santé, considérant non seulement les facteurs biologiques, mais aussi les dimensions psychologiques et sociales.

  • Biologique : inclut les aspects physiopathologiques et les mécanismes sous-jacents aux maladies.
  • Psychologique : englobe les pensées, émotions et comportements, notamment la détresse psychologique, les croyances liées à la peur et à l’évitement, ainsi que les stratégies d’adaptation.
  • Social : intègre les facteurs socio-économiques, environnementaux et culturels, tels que les conditions de travail, la dynamique familiale et les ressources financières.

Ce modèle est largement utilisé dans la prise en charge de la douleur chronique, qui est perçue comme un phénomène psychophysiologique complexe ne pouvant être expliqué par un seul facteur isolé. Dans cette perspective, il est recommandé que la physiothérapie intègre des approches psychologiques afin d’adresser toutes les dimensions de l’expérience douloureuse.

D’après Gliedt JA, Schneider MJ, Evans MW, King J, Eubanks JE. The biopsychosocial model and chiropractic : a commentary with recommendations for the chiropractic profession, 2017

 

Comprendre la douleur pelvienne chronique dans une approche biopsychosociale

La douleur pelvienne chronique est une douleur persistante dans la région pelvienne, durant plus de six mois, et pouvant avoir de multiples origines : gynécologiques (endométriose, syndrome des ovaires polykystiques), urologiques (cystite interstitielle), gastro-intestinales (syndrome de l’intestin irritable), musculo-squelettiques ou encore neurologiques. Une prise en charge efficace nécessite une approche intégrative qui prend en compte trois dimensions interconnectées : biologique, psychologique et sociale.

1. L’axe biologique : Comprendre et traiter les causes physiques

L’évaluation des facteurs biologiques permet d’identifier et de traiter les mécanismes sous-jacents à la douleur :

A. Identification des causes physiopathologiques

  • Origines gynécologiques : endométriose, adénomyose, vulvodynie, syndrome prémenstruel sévère.
  • Origines urologiques : cystite interstitielle, syndrome de la vessie douloureuse.
  • Origines gastro-intestinales : syndrome de l’intestin irritable, maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI).
  • Origines musculo-squelettiques : dysfonction du plancher pelvien, névralgie pudendale, hypertonie musculaire.
  • Origines neurologiques : hypersensibilisation du système nerveux central, douleurs neuropathiques.

B. Approches thérapeutiques biologiques

  • Traitements médicamenteux : antalgiques, anti-inflammatoires, antispasmodiques, traitements hormonaux (pilule contraceptive, agonistes GnRH pour l’endométriose).
  • Physiothérapie spécialisée : rééducation du périnée, biofeedback, massage myofascial, étirements spécifiques pour soulager l’hypertonie musculaire.
  • Techniques invasives : infiltrations de corticoïdes, neuromodulation, chirurgie (excision des lésions d’endométriose).

2. L’axe psychologique : Agir sur les pensées et émotions associées à la douleur

Les facteurs psychologiques influencent la perception de la douleur et son impact sur la qualité de vie. La douleur chronique est souvent amplifiée par le stress, l’anxiété et la dépression, qui renforcent les circuits neuronaux de la douleur.

A. Facteurs psychologiques influençant la douleur

  • Hypervigilance à la douleur : focalisation excessive sur les sensations douloureuses, augmentant la perception de la douleur.
  • Croyances négatives et catastrophisme : penser que la douleur est incontrôlable ou signe d’une maladie grave peut aggraver l’anxiété et la détresse.
  • Troubles de l’humeur : anxiété, dépression et stress chronique peuvent activer les voies de la douleur.
  • Mécanismes d’évitement : éviter certains mouvements, relations sexuelles ou activités de peur d’aggraver la douleur, ce qui peut entraîner des tensions musculaires supplémentaires et un cercle vicieux.

B. Approches thérapeutiques psychologiques

  • Thérapies cognitivo-comportementales (TCC) :
    • Modifier les croyances négatives et catastrophiques liées à la douleur.
    • Développer des stratégies d’adaptation positives (auto-compassion, techniques de gestion du stress).
  • Pleine conscience et relaxation :
    • Techniques de respiration diaphragmatique, méditation guidée.
    • Sophrologie et hypnose pour réduire l’hypervigilance.
  • Traitement des troubles de l’humeur :
    • Psychothérapie de soutien ou analytique.
    • Médicaments (antidépresseurs tricycliques ou inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, utilisés aussi pour la douleur neuropathique).

3. L’axe social : Prendre en compte l’environnement et le mode de vie

Les facteurs sociaux et environnementaux jouent un rôle clé dans la gestion de la douleur pelvienne chronique. L’isolement, l’incompréhension du milieu familial et professionnel, ou un manque de soutien médical peuvent aggraver la souffrance.

A. Facteurs sociaux influençant la douleur

  • Impact des relations familiales et conjugales : la douleur pelvienne chronique peut affecter la sexualité, générer des tensions dans le couple et provoquer une incompréhension des proches.
  • Conséquences professionnelles : absentéisme, diminution de la productivité, difficultés à faire reconnaître la douleur comme un handicap.
  • Pression sociétale et culturelle : tabous liés à la douleur pelvienne et au bien-être féminin, manque d’accès aux soins adaptés.

B. Approches sociales et environnementales

  • Éducation et sensibilisation : mieux comprendre la douleur permet de mieux la gérer et d’impliquer les proches.
  • Thérapie de couple et accompagnement sexologique : aide à maintenir une intimité sans douleur et à préserver la communication.
  • Groupes de soutien et associations : briser l’isolement en échangeant avec d’autres patientes confrontées à la même problématique.
  • Adaptations professionnelles : télétravail, aménagement des horaires, reconnaissance en tant que maladie invalidante.

Conclusion : Une approche multidimensionnelle pour une prise en charge personnalisée

La douleur pelvienne chronique ne peut être efficacement traitée en se focalisant uniquement sur les aspects médicaux. Le modèle biopsychosocial permet une prise en charge plus complète et personnalisée, en intégrant des soins médicaux, psychologiques et sociaux. En combinant ces approches, il est possible d’améliorer le bien-être global des patientes et de briser le cercle vicieux de la douleur.

Photo : Jeremy Bishop / Unsplash